QUEL AVENIR POUR LE MILIEU CARCERAL CONGOLAIS.
Il ne fait aucun doute que les hommes dans leur agir recherchent la paix, la tranquillité, la convivialité, établissent des organisations dans les sociétés où ils se retrouvent ; Ainsi prend corps l’adage ubi societas Ibi ius. Jadis la justice comme vertu que possède l’humain qui consiste à savoir donner à chacun ce qui lui revient était une affaire qui concernait plus généralement les particuliers, et l’on assistait à des séries de vengeance privée au point de faire régner non seulement le droit du plus fort mais aussi une anarchie sociale.
A cause des méfaits qu’elle pouvait engendrer, l’époque moderne ne se veut plus être une époque où le pouvoir de rendre justice se trouvait dans les mains des particuliers avec la formulation du principe du nul n’a le droit de se rendre justice soit même.
L’Etat considéré à juste titre comme dérivant d’un contrat social produit de lois, créent des organes judiciaires, leur attribue de compétences tant personnelles, matérielles que territoriales. Le chemin ainsi balisé, il constitue de ce fait la voie nécessaire et obligatoire par laquelle doit passer celui qui veut obtenir justice. Il met fin aux désordres, aux méfaits que procurer le droit de la vengeance privée, de la justice privée.
Depuis l’état de nature où les plus forts pouvaient dominer les plus faibles, la criminalité n’a jamais cessé de se manifester au sein de la société. Et le phénomène criminel n’arrête d’augmenter de jours en jour. Face à ce phénomène, la réaction de la société peut être orientée vers l’idée de la justice ; elle réagit d’abord parce que cela est juste.
Ensuite, la réaction de la société est tirée de l’idée de l’utilité ; ainsi, la société réagit parce que c’est utile. Sans cette conception, la réaction sociale s’attarde sur l’avenir pour que cela serve à quelque chose(*).
Ce procédé de réaction sociale s’accompagne plus précisément, de ce que le législateur fixe à l’avance ; les comportements interdits qui serviront d’exemple ou modèle, c’est ainsi qu’on parle de l’infraction. L’homme est censé s’en souvenir avant de poser un acte de peur que celui-ci soit un comportement illicite.
Se poser la question, dans le cadre de cette réflexion, de savoir s’il existerait une âme de la prison revient à justifier l’ultime procédé de l’Etat de mettre les auteurs des actes reprochés dans une sorte de cercle mis à part ; de vouloir trouver le fondement de l’établissement des établissements pénitenciers et le recours illico à ce procédé en République démocratique du Congo.
En réprimant les crimes, mieux la réaction de la société revêt et remplit certaines fonctions notamment celle dite préventive, rétributive, dissuasive, éducative(*). Et la prison agit par la neutralisation de certains justiciables. Elle est perceptible dans la phase presentencielle(*) lorsqu’on juge nécessaire d’enfermer un prévenu pour éviter des destructions de preuves ou des intimidations de témoins éventuels. Après le procès, cette fonction de neutralisation ne concerne qu’une minorité de détenus : ceux qui, condamnés pour des comportements considérés comme particulièrement graves, sont enfermés pour de longues durées. Un enfermement de quelques semaine ou quelques mois seulement n’ayant le plus souvent, guère d'utilité en termes de neutralisation de personne considérées comme dangereuses(*). Avec la neutralisation, il ne s’agit pas d’empêcher tout un chacun de commettre des infractions mais d’empêcher le coupable d’en commettre des nouvelles(*).
Mais, le pire n’est jamais loin et l’humain tombe dans la tentation de commettre les actes interdits. Alors, il est prévu un certain nombre de mesures qui se manifeste comme une réaction de la société. Le législateur congolais fixe dans son article 5 les peines applicables aux infractions : la mort ; les travaux forcées ; la servitude pénale ; l’amende ; la confiscation spéciale ; l’obligation de s’éloigner de certains lieux ou d’une certaine région ; la résidence imposée dans un lieu déterminé ; la mise à la disposition de la surveillance du gouvernement(*). Pour ce qui nous concerne, nous nous attarderons à la servitude pénale qui est entendue comme une peine de prison. Par prison, il faut comprendre un établissement pénitentiaire clos, aménagé pour recevoir des individus condamnés par les tribunaux à une peine les privant de liberté ou des prévenus en instance de jugement(*).
Voici deux hypothèses qui peuvent servir de trame à cette réflexion.
Pour satisfaire ses désirs libidineux, un monsieur se résout de commettre un viol sur une dame de son quartier – chose qu’il ne fait habituellement. L’affaire ou la situation ayant dégénérée, l’autorité judiciaire s’en saisit et condamne le monsieur à 20 ans de réclusion criminelle. Et il est placé dans un établissement de haute sécurité maximale.
Dans la même veine, un cas de viol se commet. Pour parvenir à l’application de la sanction, l’autorité judiciaire convoque non seulement les parties directement concernées mais aussi, les deux familles dont appartiennent respectivement le monsieur et la dame. Certes, elle était hardie de vouloir rapprocher les deux familles, les faire asseoir sur la même table après cette incidence. Des cérémonies de rapprochement et de réparation ont été réalisées, les familles ont vécu dans la convivialité et la concorde plus qu’autrefois car quelque chose, négative soit-elle les a réunies et non qu’elle a occasionnées les mésententes ou créées de la haine nourri par le dégout et la vengeance.
Ce deux illustrations présentent en effet deux modèles de construction sociétale différents en ce qui concerne la gestion et l’administration de la sanction à infliger et au but poursuivi par celle-ci. Loin l’idée de présenter ou de chercher quel régime est le meilleur que l’autre puisque chaque modèle est construit selon non seulement de la criminalité en présence mais aussi et surtout en fonction de la façon de penser d’un peuple. C’est justement à cause de la sagesse que notre façon de faire véhicule que je suis convaincu et j’opine de la nécessaire communication.
En effet, on croirait qu’il est organisé par toute la société une sorte de légèreté à l’égard de la personne auteure des actes antisociaux alors qu’il a été opéré un choix sur un modèle de vie, un idéal social à partager et à suivre fondé sur la considération de la communauté, l’importance de l’homme dans le groupe et la valeur du groupe pour l’homme, fondé sur l’attente cordiale entre les membres, fondé sur le Panza selekele(*). Et tout ce qui a trait à favoriser la discorde, à attiser l’aversion, l’élimination et la neutralisation directe – qu’elle soit à durée déterminée ou l’inverse – est placé en arrière-plan car l’image qui résulte de telles pratiques ou de telles appréhensions donnerait l’impression que l’acte antisocial reproché, grave soit-il rend son auteur indigne que l’associer avec d’autres membres compromettrait absolument le tissu social ; chose qui serait totalement absurde car en entrant dans la palabre, mieux en étant sous la palabre, l’essentiel est toujours privilégié : tout le monde est et sort gagnant.
Alors, quel régime de sanction voulons-nous vraiment établir : est-ce celui qui met en exergue l’élimination et l’exclusion ou celui qui tire ses sources dans la base même de la communauté en privilégiant la réinsertion totale et immédiate, et l’indispensable Un pour former le Tout ?
En voulant prendre une orientation, qu’elle que soit, jetons un coup d’œil à ce que les prisons sont devenues de nos jours : des machines de fabrication des criminels ou au temps que peut prendre les procédures de la palabre d’autant plus qu’il y aurait une panoplie d’affaires à résoudre ; Bref, c'est pour ainsi dire qu'il y a toujours un prix à payer en choisissant telle ou telle approcher.
Dans toutes les positions, ce prix vaut son pesant d'or : soit renier ses fondements, considérer ses particularités comme des anomalies, légitimer l’absurde volonté de copier et de consommer ce que les autres reproduisent à l’image de leur construction sociétale soit s’accepter soi-même et savourer le délice des idéaux de vie commune.
, Par Kevin-René MUKALA LIPOKO
(*) COMBESSIE P., Sociologie de la prison, La découverte, Paris, 2014.
(*) WANE BAMEME B., Droit pénal général, Université Catholique du Congo, Kinshasa, 2017-2018.
(*) LUMPUNGU MUSHILU D., 2019.
(*) BOBANGA WAWA B., Panza selekele : la sociologie congolaise du cercle, in www.memoiredelapenséesociale.blogspot.com, 2020.
(*) BOBANGA WAWA B., Le Yaya, une institution sociale de la responsabilité en République démocratique du Congo, in www.tobouler.blogspot.com, 2020.
(*) Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais tel que modifié à ce jour.
(*) http://www.cnrt.fr/definition/prison
(*) http://www.cours-de-droit.net/droit-de-la-sanction-penale
Commentaires
L'article ouvre plusieurs brèches à la réflexion et je t'en félicite.
Le viol détruit tellement de projets. La solution c'est la prison pour l'auteur et les dommages intérêts pour la victime.
J'ai suivi y a longtemps un documentaire en Inde où des associations étaient contre le fait de donner en mariage la victime d'un viol à son violeur. Ton exemple sur le viol semble presque ça. Régler amiable une affaire de viol. Moi je trouve ça méchant.
J'espère que les brèches qu'elle ouvre sera usitée à bon escient.
En effet, je ne prône pas vraiment la suppression de prisons
Mais seulement, la prison ne devrait pas être l'ultime recours pour punir.
Nous devrions penser mieux pour préserver la dignité de l'individu et faire la promotion de la communauté.
Et la palabre ne serait utilisée comme autrefois, bien que dans les milieux ruraux ou urbano-ruraux.
Elle pourait même s'adapter avec le temps et les mentalités de la population
Merci beaucoup Kevin, nous n'avions pas passé notre temps en vain en lisant cette publication.