Les experts en éducation, confirmés ou improvisés, ont souvent eu un discours
négatif sur la rue et ses effets sur l'éducation des enfants. Ainsi, l'éducation
de la rue est considérée comme à éviter. Sans nier quelques vérités de ce
discours et sans aucun esprit de contradiction, c'est plutôt dans une volonté de
remise en question que s'inscrit ma réflexion. Ayant passé beaucoup de temps
dans la rue, quand je n'étais pas en famille ou à l'école, j'estime qu'il est
injuste de ne regarder que le côté négatif de la chose. Et puisque la société
semble n'avoir de l'intérêt que pour ce qui ne va pas, pour tenter de rétablir
un peu d'équilibre, je me lance dans cette forme "d'apologie de la rue" - cela
peut paraître absurde et provocateur - et de sa contribution à l'éducation des
jeunes. Je ne trouve aucun intérêt à parler du mal dont toutes les bouches (ou
presque) parlent déjà. Un adage africain dit: "il faut tout un village pour
éduquer un enfant". Cette réflexion est donc intimement liée à un contexte
social précis et à une culture donnée. C'est la République démocratique du
Congo, ce beau pays où la rue apparaît avant tout comme un lieu de socialisation
de l'enfant (I), d'apprentissage et expérimentation du développement personnel
(II). Il ne s'agit pas ici de la situation des enfants dits "Shégués", pour qui
la rue est une pénible expérience, même si en réalité le problème est ailleurs.
D'ailleurs, si la rue avait un coeur, il serait brisé de voir ce que vivent ces
enfants. I. La rue, porte d'entrée dans la société. Les espaces vides (inhabités
par l'humain) ont souvent été considérés comme des frontières. C'est notamment
le cas des cours d'eau. Dans la conception africaine, ces espaces constituent
plutôt des lieux de rencontre. C'est le cas de la rue, véritable réseau social.
En effet, les enfants naissent en famille et y vivent leurs premiers pas dans la
société. Mais c'est le fait de sortir de ce premier cercle sociale, au devant
des autres membres, qui renforce réellement le sentiment d'appartenance à un
groupe plus global. Comme à l'école, c'est dans la rue que se tissent les
amitiés de jeunesse, autour des jeux collectifs, au cours des promenades sans
raison, sur le sable salissant et fédérateur. Et les amis de l'école sont
souvent aussi ceux avec qui on joue au quartier. En se faisant des amis,
l'enfant apprend à vivre et à survivre dans un cadre social plus grand que sa
famille. Et c'est dans la rue que se créent des liens sociaux solides. Les
parents dont les enfants sont amis finissent souvent par se connaître et par
devenir des amis. Vivre loin du cercle familial demande au jeune un effort
d'adaptation et de survie. C'est ainsi que la rue participe à ce développement
individuel de l'enfant. II. La rue forge la personnalité Dans des milieux où il
n'existe pas d' espaces publics aménagés pour les jeunes comme les parcs, les
enfants sont mis devant une situation où ils sont appelés à un double exercice :
trouver un lieu de jeu et de détente et trouver le jeu lui-même. La rue a
souvent servi de lieu d'amusement, où les enfants apprennent à faire travailler
leur imagination. C'est dans la rue qu'ils apprennent à inventer des activités
ludiques qui participent ainsi à leur épanouissement. Par ailleurs, la rue
enseigne un certain sens de responsabilité. Elle développe auprès des enfants
leur capacité de surmonter des difficultés sans l'aide de leurs parents. Pour
illustrer cela, une anecdote: trois enfants marchant dans la rue se trouvaient
tout d'un coup devant une flaque d'eau. Il fallait pourtant aller de l'autre
côté de la flaque pour continuer le chemin. Le premier proposa de faire
volte-face. Le second pensa qu'il était mieux de reculer, prendre un élan et
sauter. Le dernier proposa d'entrer dans la flaque pour la traverser. Chacun
avait soutenu son idée avec des arguments valables. Peu importe la solution, cet
exemple met en exergue trois enfants appelés à trouver une solution concrète
devant une difficulté aussi concrète. Le choix, la décision, la réflexion,
l'écoute, la confiance, la responsabilité sont des valeurs développées grâce à
une situation rencontrée dans la rue. Contrairement aux difficultés à surmonter
dans un jeu de société ou dans une équation mathématiques, les difficultés de la
rue sont réelles et spontanées. Si quelques fois elles arrivent avec une dose de
dangerosité, elles ont le mérite de permettre au jeune d'affronter une réalité
en trouvant des solutions concrètes. En définitive, dans la rue il se passe
beaucoup de choses, bonnes comme mauvaises. L'enfant peut recevoir des idées ou
des conseils qui ne sont pas valables pour son éducation. Mais, il se passe
aussi des choses merveilleuses qui méritent d'être mises en avant. C'est souvent
loin des parents et de tout cadre institutionnel que le jeune apprend à intégrer
la société et à mûrir sa personnalité. Cette intégration est marquée par le jeu
des surnoms que les enfants se donnent. On constate d'ailleurs que les noms
réels de certains enfants se limitent dans leurs papiers officiels ou en
famille. Ces surnoms correspondent, dans la plupart des cas, à une qualité
avérée de celui ou celle qui le porte. Cela peut constituer parfois une
véritable motivation. Ces surnoms traduisent enfin l'acceptation du jeune dans
la communauté et l'affection de celle-ci envers lui.
<< Na yambi >> : le sens profond du Credo en Lingala. La foi chrétienne catholique est arrivée en Afrique centrale dans la pirogue des vieux missionnaires à la longue barbe. L'évangélisation au nom de laquelle ils sont arrivés a rencontré la grande foi du peuple africain en général et Kongo en particulier. Certaines approches de ces missionnaires pouvaient ou peuvent être remises en question, celles, par exemple, qui incitaient ces derniers à démolir le 《savoir religieux ancestral africain》 pour le reconstruire de façon occidentale. Le peuple Kongo était un peuple croyant, en un Dieu unique ( Nzakomba ou Nzambe ), Créateur et dont l'esprit se trouvait dans chaque élément de sa création. Il serait donc certainement faux de penser que cette évangélisation a été une découverte de Dieu. Elle a plutôt consisté en une "christianisation", pouvant être entendue comme le fait de prêcher le Christ Jésus comme Fils de Dieu et chemin vers Dieu. Face ...
Commentaires
Cela amènerait même à penser que la rue est le premier endroit où l'enfant exprime sa vrai passion pour les choses qu'il aime vraiment.
Si l'Etat pouvait faire de nos rues des endroits sécurisés la rue nous offrirait certainement plus et plus encore.